La séparation d’un couple, c’est compliqué.
Surtout c’est émotionnel. Il y a de quoi être triste, déprimé, profondément vulnérable.
Il y a beaucoup de ressentis variés et même contradictoires. Une sensation d’absurde ou de gâchis et parfois une furieuse envie de comprendre. De discuter aussi, sans fin, ou au contraire zapper, vite passer à la suite.
Et il y a beaucoup de “trop“ : trop d’émotions, trop de mentalisation, de prises de tête, de reproches. Et en sus, nous mélangeons tout ça.
Il n’est pas bon de se précipiter et de vouloir se séparer de notre conjoint/te sous le coup de l’émotion, dans la panique, ou pour punir l’autre.
La séparation est un processus qui dure un certain temps, un processus que les adultes peuvent apprendre à vivre mieux, plus clairement, plus économiquement.
Avant de passer à l’action, il est souvent utile de
I. Se poser des questions
II. Expérimenter des étapes intermédiaires
avant de mettre un terme à notre relation. Voir ci-dessous.
C’est mieux pour soi, mais aussi pour le conjoint, et surtout pour les enfants s’il y en a. Quand nous avons pris quelques mois ou années pour construire une belle relation, cela nous prendra un temps pour la défaire. C’est comme ça.
D’abord une histoire :
Une femme a pris rendez-vous pour une consultation de couple pour la semaine prochaine, elle annoncera ce weekend à son mari, père de ses enfants de 5 et 7 ans, qu’elle va le quitter.
Cela me touche chaque fois, probablement en résonance à mes propres séparations.
Ce qui me touche aussi, c’est que parmi tous les couples qui viennent consulter avec un projet de rupture, une majorité sont de jeunes parents. Après l’arrivée du premier ou du deuxième enfant, le couple passe par une période éprouvante, qui les fragilise. Les parents sont souvent heureux et satisfaits de leurs enfants, mais en grand stress et en retard sur leurs besoins propres. Leur vie est remplie de listes de choses à faire, les enfants, le travail et la carrière, tenir la maison.
Mais leur cœur est désenchanté, le couple est fatigué et même vidé de sa substance.
Nous avons tous entendu “ne jamais prendre de décision en période de crise“. Pourtant c’est dans ces moments-là que nous sommes tentés d’y penser, ou même de le balancer de manière à faire réagir l’autre.
Dans ma pratique, j’ai vu des centaines de couples qui se séparent et qui viennent en discuter au cabinet. Ils viennent car c’est plus sécure, plus facile et plus fructueux.
Il y a mille déclencheurs de rupture. Tromperies et infidélités, violences diverses, et massivement… la lente usure du couple. Et tous ces jeunes parents en survie, avec un ou deux enfants encore petits.
Donc se séparer, peut-être, mais pas tout de suite !
Alors que faire avant d’enclencher le processus de séparation ?
I. Se poser des questions :
- Je pense et je parle de séparation, au fond, pourquoi?
Est-ce un vrai besoin, longuement mûri et réfléchi ?
Ou est-ce une manière maladroite et ordinaire de communiquer son ras-le-bol ou son désespoir ? Certains couples brandissent cette menace à tout va, et dommage, c’est presque toujours du bluff ou du chantage, c’est une manière détournée d’exprimer “j’ai besoin que la douleur ou la frustration s’arrête !“ ou par exemple “tu dois changer, sinon je pars !“.
Cela peut avoir comme conséquence de fragiliser gravement le couple, car là, nous touchons au socle, au lien profond de notre relation, ce qui provoque angoisses, sentiment d’abandon ou de trahison et nous amène à sur-réagir en retour.
Parler de la séparation pourrait-elle être une de nos options, et alors, nous pouvons en travailler d’autres aussi ou en même temps, comme d’entreprendre un travail thérapeutique, prendre enfin à deux de vraies vacances ou un voyage, aménager la relation pour la réactualiser avec nos nouveaux besoins. Partager, s’exposer, être créatif, se poser des questions mutuelles, négocier, trouver quelques terrains communs.
Nous n’avons pas les mêmes expériences que les générations d’avant. De nos jours, beaucoup de couples travaillent pour être ensemble, c’est comme ça.
- Pourquoi maintenant ?
La liste des contre a-t-elle dépassé celle des pour ?
Attention ! Cette liste illusoire n’est alors, mais alors pas du tout, une science exacte !
Lorsque nous sommes mal, frustrés, blessés, n’arrivant pas à répondre à certains de nos propres besoins, il est facile (et presque soulageant) de voir les problèmes à l’extérieur de nous, chez notre conjoint par exemple. Si nous parcourons cette pente glissante, notre liste des contre se rallonge de manière évidente et même vertigineuse. Et cela crée du fossé – une distance.
Ce qui est intéressant, rappelez-vous, le contraire se produit lorsque nous sommes amoureux, notre liste des pour se rallonge de manière irraisonnable et cela crée de la fusion !
Donc dans ce processus de créer du fossé entre notre partenaire et soi, nous devenons spécialistes du dysfonctionnement de l’autre, nous documentons et accumulons les arguments qui nous servent à quitter la relation.
Un rappel ou un aperçu des points forts et positifs de la relation n’existent plus.
Je me rappelle un temps où je travaillais beaucoup avec des couples catholiques, et j’étais très touché lorsqu’ils racontaient “ On a voulu se séparer plusieurs fois… “. Et je les voyais devant moi, dans un couple sain et profondément aimant.
On dit que les couples de nos jours se séparent trop vite, pour un petit rien. On parle de génération kleenex, on jette trop rapidement son conjoint devenu frustrant ou moins comestible !
- Nos blessures du passé nous séparent-elles ?
Il y a des illusions d’optique et des projections, des confrontations à des rigidités et des blessures passées qui viennent fausser le débat. Si nous n’en n’avons pas conscience, notre regard est biaisé et notre décision sera appuyée ou manipulée par des blessures anciennes, liées à du passé lointain. Des raisons psychologiques donc, qui nous concernent davantage que l’imperfection et la maladresse de l’autre. Et que si nous nous séparons, nous allons les retrouver dans le prochain couple, avec la même naïveté.
Il existe une citation stimulante : “lorsque nous sommes blessés par notre partenaire, 90% de cette blessure concerne une blessure plus ancienne de notre passé“. Le terrain susceptible est déjà là.
Exemple : “lorsque tu ne me dis pas que tu rentres tard, je me sens trahie et méprisée, car cela évoque les déceptions de mon père qui me promettait toujours et qui oubliait toujours… c’est pour ça que c’est si grave.“
Certaines autres personnes, inconsciemment loyales se séparent après le même nombre d’année que du divorce de leurs propres parents…
- Se donner une chance ?
Avons-nous vraiment essayé de travailler notre relation ? de clarifier, voir revitaliser, ré-enchanter notre relation frustrante, en lisant des livres, en en parlant à des proches et d’autres couples, ou en s’adressant à un/e professionnel/le de la relation. Les efforts portent le plus souvent sur davantage de communication saine, adapter et modifier certains comportements dérangeants ou jugés comme inappropriés, ou certaines attitudes qui alourdissent le quotidien commun et… parfois de lâcher prise, accepter une réalité frustrante et apprendre à vivre avec.
Voir mes autres blogs, qui traitent de sujets nécessaires, pour ne pas se séparer, pour créer une relation meilleure.
Certains couples réussissent à réorganiser leurs priorités, pour vivre une soirée ou un weekend en amoureux. Ce qu’ils n’ont plus fait depuis plusieurs années !? Souvent cela se passe très bien ! Ce qui est un bon indice du potentiel du couple. Éloignez ces deux êtres du stress et des devoirs du quotidien, et les choses s’arrangent, deviennent meilleures.
A voir donc, quel est le réel problème du couple : une vie devenue ingérable et absurde, ou un réel problème de la relation ? Dans mon regard de sociologue, la vie actuelle, le mode de vie, la pression au travail, avec un 100% (en fait 150% ?) n’est plus compatible avec une vie de couple ou de famille.
Que voulons-nous au fond ? Quelle vie et quel équilibre désirons-nous créer ? De quoi allons-nous nous rappeler sur notre lit de mort ?
Hélas, lorsqu’il y a trop de pression, quel est le maillon faible, le fusible qui saute ? En général, c’est le couple fragilisé, sous-nourri, qui se désintègre. Et c’est dommage, car le fondement de la famille, c’est ce couple ! Même affaibli par nos négligences.
Le centre, notre socle est ce couple, ce ne sont pas les enfants, ni notre travail.
Alors est-ce juste le creux de la vague, s’agit-il de traverser et faire confiance que les choses peuvent s’améliorer ? Certains conjoints essaient sincèrement de faire tout ce qu’ils peuvent, avant de se séparer. Ils ne veulent pas le regretter, ils veulent se donner encore une dernière chance…
II. Étapes préliminaires possibles avant une vraie séparation :
En accompagnant les couples en rupture, il est parfois opportun de leur suggérer des options pour entrer dans le processus sans se précipiter émotionnellement et donc d’envisager des étapes pour mieux se clarifier dans cette phase de test.
- Établir une distance :
Une première option qui peut être mise en place moins difficilement, c’est de décider d’une période d’expérimentation dans une distance, un éloignement : dormir seul une partie de la semaine ou se donner des temps de garde des enfants pour nous permettre de prendre un peu d’air et de recul. Parfois un des conjoints va dormir chez un proche, une partie de la semaine. Dans cette distance, il peut y avoir davantage de distance émotionnelle. Cela désenflamme, cela calme le jeu, nous pouvons peut-être y voir plus clair, voir ce qui nous manque, et prendre une décision plus éclairée, moins émotionnelle de rester ensemble ou créer la rupture.
- Ensuite il y a une vraie séparation géographique
Si nécessaire. Trouver un studio, ou un appartement (pour accueillir les enfants ? Alors pas trop loin de l’appartement de l’autre). Ou chaque conjoint vient vivre la garde des enfants dans l’appartement principal. A nouveau cela peut être vécu comme une phase de test. Nous ne décidons rien avant 6 mois ou une année… nous ferons le point à ce moment-là.
- Puis plus tard, si la rupture est finale, alors le divorce
Lorsque la relation est moins émotionnelle, la séparation se vit mieux et se clarifie et s’allège, ce sera un meilleur moment pour aborder la question du divorce et toutes les négociations financières et administratives qui viennent avec.
Attention !
Certains couples parlent de divorce avant même la séparation !? En général, c’est complètement émotionnel et pas clair du tout, et vous aurez besoin d’avocats pour mieux jouer votre tragédie coûteuse.
Mon prochain blog, Réussir sa séparation, sera publié à la suite prochainement.
Oui, du moment que vous vous séparez, pourquoi pas le faire bien, comme deux adultes. Nous pouvons y mettre de la sensibilité, de la créativité, œuvrer à ce que son ex-conjoint, parent de nos enfants éventuellement, puisse être au mieux, comme soi-même. Cela existe !
« Certains couples parlent de divorce avant même la séparation !? En général, c’est complètement émotionnel et pas clair du tout, et vous aurez besoin d’avocats pour mieux jouer votre tragédie coûteuse »: parce que vous consultez gratuitement ???
Cher M.A.
Merci pour votre commentaire, hélas un peu cavalier, mais je vous réponds volontiers.
Non je suis payé et j’en suis ravi. J’ai le privilège d’être payé à la fin de la séance, en général en cash, ou par twint.
Lorsque dans un couple un des conjoints veut renforcer sa position et prend un avocat, l’autre conjoint a envie de faire la même chose… Dès que l’on veut gagner ou avoir le dessus, ça donne la même envie à l’autre. Nous sommes donc très loin d’être dans une démarche où l’on essaie de trouver un terrain du milieu, un accord win-win, pour jouir de la paix et de la suite. Cela existe. La tragédie coûteuse et souvent trop longue, par contre, se chiffre donc en milliers, voir dizaines de milliers de francs. Je suis pour que les avocats gagnent leur vie, et je suis définitivement pour que les couples trouvent de bonnes solutions qui permettront un avenir meilleur pour eux et leurs enfants.
Je suggère et recommande donc aux couples de tenter de négocier comme deux adultes,
Bonsoir,
Merci de votre réponse.
Je préfère la médiation telle que celle pratiquée par l’Ordre des avocats – GE et VD – qui me paraît plus simple parce qu’elle permet aux couples de se réapproprier la gestion de leurs différends sans passer par les diverses étapes que vous proposez qui sont … trop longues à mon goût.
PS : j’en parle en connaissance de cause !
Comme vous, je trouve très positif la médiation qui est un travail préliminaire nécessaire et différent qu’une thérapie. Je recommande moi-même à certains de mes couples cette démarche. Elle devrait même être obligatoire avant de passer devant le juge, comme dans certains autres pays.