Déf : Le pouvoir est la faculté, la capacité, la possibilité matérielle ou la permission de faire quelque chose.
Acquérir et développer des pouvoirs, être capable, contrôler et maitriser…
Mais il y aussi abus de pouvoir, luttes de pouvoirs, le pouvoir corrompt…
De manière saine et naturelle, l’enfant développe des pouvoirs, une quête incessante où il découvre tout ce qu’il peut. Il veut pouvoir comme la grande sœur, comme le père ou la mère. Puis adolescent, pareil, comment trouver sa place, avoir le pouvoir d’être vu, reconnu, exister et être défini par ce qu’il peut… “il est fort en informatique, époustouflant !“, ou “tu l’as vu rapper, incroyable ?!“. A mon école primaire de Pully, dans nos vieux pissoirs muraux de l’époque, un camarade arrivait à pisser jusqu’au plafond. On a bien rigolé et il avait gagné tout notre respect !
Le jeune adulte, pareil, va faire beaucoup pour se prouver, prouver aux autres, avancer dans sa carrière, en compétition, gagner en pouvoir et en contrôle.
En tant qu’homme concerné, mais aussi en tant que psy, je reconnais le besoin légitime de passer une partie de sa vie à gagner en pouvoir. Cela s’appelle aussi la construction d’une personnalité, d’un égo nécessaire.
Mais si cela ne se se relaxe pas dans une vie, si cela devient compulsif ou addictif, il y a un problème.
Dans les thérapies, il est clair que cette recherche sans fin a un impact sur les couples, sur les familles sur la qualité de vie. Si l’homme, (et certaines femmes aussi bien-sûr) dans cette recherche excessive, donne la plus grande part de sa vitalité et de ses belles énergies masculines la journée, de manière naturelle il aura besoin de ne rien faire, d’être mou et passif, dormir et récupérer le soir et le weekend.
Mon ami Luis Ansa, donnait une description assez simple du pouvoir : « c’est la recherche de l’avoir, du savoir ou du pouvoir ».
Réfléchissez, pourquoi avons-nous besoin de posséder et d’accumuler tant de pouvoir, tant d’argent, tant de connaissances mentales ?
L’ombre de ce sport féroce et souvent sans pitié, révèle une faille.
L’image de moi est-elle si déficiente ? Ai-je une sensation d’un manque, d’un abysse sans fin jamais ? Une insécurité pathologique ? Un complexe qui s’est inscrit dans l’adolescence et auquel j’obéis sans répit encore aujourd’hui à 50 ans?
Exemples pour nous les hommes :
Lorsque j’observe les politiciens (presque tous !?), cela me parait flagrant : petit homme frustré veut devenir grand, petit roquet déclame ses démonstrations habiles, jeux de pouvoir, recherche de pouvoir, démagogie, promesses, alliances et coups bas. Bref la matière journalière dans notre presse de tous les matins !
En parallèle, dans les entreprises, la lutte violente pour faire sa place au sommet, écarter sans conscience morale des collègues etc.
Dans les organismes et institutions, mêmes pratiques. En sociologie des organisations, celui qui a le plus de pouvoir, c’est celui qui accumule le plus d’informations.
Chez nos militaires, etc.
Cette recherche effrénée et excessive du pouvoir ressemble clairement à une compensation
Le profil de “l’assoiffé de pouvoir“ (powermonger en anglais) consiste à :
Se rassurer en dominant ses collègues, sa femme, ses enfants, en accumulant plus de savoir, en étalant ses connaissances, en développant à outrance ses valeurs monétaires, en renforçant sa position, en développant des stratégies et des manipulations légales et illégales. Il veut se battre, faire la guerre, gagner sans fin…
Cela pose la question d’ailleurs, pourquoi protégeons-nous, soutenons-nous, permettons-nous à ces personnes de prendre le pouvoir dans nos couples, nos familles, nos institutions professionnelles et politiques ? Sommes-nous trop faibles, ou pressentons-nous leur immense fragilité et que de les remettre en question pourrait les mettre en péril, perdre la face, les surprendre dans leur profonde vulnérabilité. Comprenons-nous que quelqu’un qui doit absolument décider, avoir le pouvoir et être fort, n’a pas le choix et est donc un être humain dans le besoin, blessé et faible ?
Dans mon regard compassionné, j’aperçois un homme pathétique, dissocié, sacrifié, handicapé de son humanité, de son cœur et de sa sensibilité. Ce qui est donc d’abord grave pour lui-même.
Par opposition, un homme qui est dans la maturité de son pouvoir, le donne, en redonne, le partage, aide ses pairs à en gagner. Sa quête, ses aspirations, ses valeurs se situent enfin ailleurs. Vous savez ce héros du film, qui est devant son miroir, et qui se dit : « mais au bout de cette vie, si je veux pouvoir me regarder en face, pour que mes enfants soient fières de moi, alors j’arrête de faire ce travail de pu…
Les addictions, le record des suicides chez les hommes, c’est encore le pouvoir. Le pouvoir de se détruire, de « s’auto-médiquer » sans demander d’aide, de trouver la solution tout seul, même si elle est toxique ou terminale.
Alors s’il n’y plus la recherche du pouvoir, il y a quoi d’autre ?
Dans les études qui s’occupent de notre fin de vie, il semble que ce qui subsiste au dernier instant, ce qui a encore une valeur, ce n’est pas nos victoires, notre fortune, notre carrière, nos accomplissements matériels. C’est étonnamment l’amour, celui qu’on a donné, celui qu’on a reçu.
Alors, s’agit-t-il de l’amour guimauve ? Romantique ? Risible ?
L’amour prend de nombreux visages, comme soigner la relation, la présence, la disponibilité, ne rien faire ensemble, partager des petits moments de vie, de folie, parler de son cœur et pas de sa tête…
Pour la petite histoire, en thérapie lorsqu’un homme admet avoir consacré la grande partie de sa vie à gagner en pouvoir, en sacrifiant sa vie familiale – à la question … mais pourquoi tout ça, il avoue… « Oui, mon père ne m’a jamais reconnu, ne m’a pas vu, je ne me sentais pas aimé, au contraire rabaissé. »
Derrière toute quête de pouvoir, y’a t-il un cœur blessé, une recherche d’amour désespérée, terriblement maladroite et bien-sûr inconsciente ?
Dans les 5 regrets exprimés chez les vieux messieurs sur leur lit de mort, c’est parait-il, celui de n’avoir pas pu voir leurs enfants grandir qui est en tête de liste.
C’est ce que révèle la fille de Steve Jobs.[1] Son père, sur son lit de mort, regrettait d’avoir été non seulement cruel, mais trop souvent absent durant son enfance. « Je n’ai pas passé assez de temps avec toi quand tu étais petite ».
J’ai entendu Guy Corneau, se référant à un livre collectif [2] dans lequel il parle du moment de sa mort clinique (NDE – expérience de mort imminente), et il dit une chose bouleversante : “La seule chose qui me restait à ce moment du passage, c’était l’amour… l’amour que j’ai donné“.
Une amie thérapeute m’avait posé il y a bien longtemps une question directe et « éveillante » : “dans ta vie aujourd’hui, tu choisis quoi : le pouvoir ou l’amour?“
Oui, dans notre vie et le développement de notre maturité, il y a un moment enfin où il est judicieux de se poser cette question (ou de la poser à un proche), Nous avons le pouvoir et la chance de choisir la réponse, de prendre une décision qui nous amènera à un engagement conscient, au contraire d’être peut-être l’esclave d’une compulsion antique…
Clin d’œil, tous les Sages parlent de l’amour comme d’une force. Le pouvoir de l’amour transforme les relations et le monde, le guérit etc.
Et vous, dans votre vie, à ce jour, vous optez pour quoi ? Le pouvoir ou l’amour ?
The power of love de Frankie goes to Hollywood. Enjoy !
[1] Dans ses mémoires baptisés « Small Fry, publié le 4 septembre 2018
[2] Comme Un Cri Du Cœur, six Témoignages, Ed. L’Essentiel, Montréal 1992
J’ai toujours cultivé le pouvoir comme anti-pouvoir, comme capacité de résistance à l’oppression, pour conquérir la liberté d’aimer. Pour moi, l’alternative n’a jamais été le pouvoir OU l’amour mais « le pouvoir et l’amour » OU « la servitude et la violence ». J’ai choisi le pouvoir pour priver ceux qui en abusent de se servir de moi comme combustible destiné à alimenter le feu dévorant de leurs ambitions. Ne serait-ce que pour les priver de mon énergie afin de ne pas faire l’erreur de les renforcer. La récompense de ce choix du pouvoir comme contre-pouvoir, c’est de préserver son intégrité et sa liberté pour garder la capacité de se livrer à un amour inconditionnel avec un total abandon.
De fait, j’observe que, plus je suis dans le pouvoir, plus je suis dans le partage et la créativité, et plus ceux avec lesquels je partage deviennent à leur tour libres, créatifs et généreux. Se trouver pris dans cette spirale inattendue fait contacter une puissance d’amour englobante avec la conscience d’en être un instrument consentant. C’est se trouver pris dans le mystère d’une incarnation qui rend très intense le sentiment d’exister. C’est très gratifiant et pleinement satisfaisant.
Donc à la question du choix entre pouvoir ou amour, je répondrai que l’un ne va pas sans l’autre car l’amour est indissociable de la liberté comme la liberté est indissociable du pouvoir.
Autrement dit, le pouvoir sans amour , c’est l’enfer, et le pouvoir lié à l’amour, c’est le paradis. Donc il me semble que la question n’est pas de choisir entre les deux, mais bien de tout faire pour développer les deux en les liant absolument : pouvoir ET amour. Étant bien entendu que, ce faisant, ce n’est pas MON pouvoir que je cultive, mais celui d’une puissance hautement bénéfique par l’amour qu’elle m’inspire et dont je suis l’incarnation temporaire à cet instant de mon existence où je peux lui trouver un sens.
Merci bcp Eléa, pour ce commentaire inspirant.
Vu comme vous le présentez, je vous rejoins complétement!
Le terme « pouvoir » est d’ailleurs un terme fourre-tout mais comme vous l’utilisez, il en devient noble.
Le pouvoir au service de rassurer une partie névrotique de soi, c’est une autre histoire, et je tenais à l’exposer.
Merci pour cet article très intéressant, qui touche selon moi à quelque chose qui traverse toutes les époques et toutes les générations: le besoin de se sentir exister et d’être reconnu par ses semblables. Plus la faille narcissique est profonde, plus la recherche de pouvoir/succès sera conséquente, avec les dérives que l’on sait.
Merci bcp Aude pour votre commentaire. Plein de compassion pour notre besoin de reconnaissance et nos failles.
Et un petit coup de projecteur pour aussi ouvrir nos yeux. Je trouve le sujet passionnant et plein de promesses.
Il y a de la vie hors de nos failles…
Un pouvoir tout simple, qui se confirme quand on peut penser sans se tromper : « Oui c’est possible, sans problème… » Ce pouvoir acquis n’est peut-être pas exercé assez souvent pour « remplir sa vie de satisfactions accessibles ». Là je ne parle pas du pouvoir du président africain nommé à vie, ni du père de famille qui a fait pleurer tout le monde, et dont la voix résonne encore de longues années après son enterrement : « J’ai tout fait pour vous ! Sans moi vous ne seriez rien !.. » Réponse à ces rudes paroles, qui peut être : « Et maintenant ? Sommes-nous libres de croire que nous pourrons devenir quelque chose sans toi ?.. » Le petit enfant qui demande : « Est-ce que je peux ?.. » Ce n’est pas toujours pour avoir la permission mais, je pense aussi : « Dis-moi si j’en suis capable… » Et la belle réponse peut être : « Bien-sûr que tu peux ! J’en suis certain(e) !.. » Et s’il comprend après un échec qu’il avait la liberté de rater ?.. Peut-être recevra-t-il une parole encourageante : « Tu pourras ! Il faut savoir être patient, je t’aiderai ! » Ah ce n’est déjà pas simple, alors je reviens au « pouvoir » sans problème, comme celui de se procurer du plaisir en moins de temps qu’il n’en faut pour sortir le formulaire de déclaration d’impôts de l’enveloppe… J’ai souvent posé la question à des personnes, pas toutes en fin de vie, mais qui devaient faire le deuil de ce qu’elles ne pouvaient plus espérer avoir. La question habituelle : « Qu’est-ce que vous regrettez de ne pas avoir eu ? Si vous pouviez recommencer ?.. » Et la réponse portait plus souvent sur ce qu’elles avaient pu avoir avant de ne plus pouvoir : « J’adorais faire du vélo, j’aurais dû en faire bien plus souvent ! » Et je me souviens même de : « J’aurais dû m’offrir sans hésiter des Coupes Danemark ! » Et moi : « Si une coupe Danemark atterrissait sur votre table de chevet demain, vous la laisseriez fondre ? » Lui : « Hah non ! Si elle est pour moi je la mange ! » Cette petite part de plaisir dans la vie n’était pas finie, mais est-ce qu’il fallait une permission pour le croire ? Au petit enfant que je cite plus haut : « Tu peux !.. Tu pourras ! » Et à ce Monsieur, j’ai préféré lui apporter sa coupe le lendemain sans lui poser la question : « Vous pouviez, vous auriez pu encore plus. Et pourquoi maintenant moins ?.. »
Est-ce qu’on peut ainsi « mourir mieux » d’avoir vécu ?.. La coupe Danemark de ce monsieur à l’hôpital me fait songer maintenant au film culte « La grande bouffe » (Ferreri). Un groupe d’amis qui chacun avait réussi à réaliser son idéal de carrière, avant de se sentir vieux vers l’âge de la retraite : Un pilote de ligne commandant de bord, un juge qui vit chez sa maman, un grand musicien… Ils mangent tout ce qui leur donne le plus de plaisir, en grande quantité, jusqu’à en mourir. Je me souviens du dernier survivant qui se fait apporter un grand pudding en forme de poitrine féminine, avant de tomber mort, le visage précipité dans le dessert. Le plaisir d’aimer et de se sentir aimé, disiez-vous. À vingt et un ans, en 1973, j’étais allé voir ce film trois fois. Et depuis lors, jusqu’à maintenant, il m’arrive parfois de manger, manger jusqu’à tuer le plaisir, pas plus. Mais j’ai aussi d’heureux souvenirs de repas au restaurant avec la femme que j’aimais, qui profitait de mon absence de cinq minutes pour commander : « Nous pendrons d’abord une fondue avec une salade verte, ensuite un steak tartare avec des frites, à la fin une meringue glacée à la crème, et après on verra… » Je revenais à la table : « C’est déjà commandé… Non je ne dis pas, ce sera une surprise ». Le serveur avait un bon sourire quand, au moment où il arrivait avec ses plats, je disais : « Oh mais !.. Est-ce qu’on pourra manger tout ça ? » Et tout à la fin, elle me disait : « Tu vois qu’on a pu ! Grâce à moi !.. » C’était bien vrai, tout ce qu’elle aimait, et moi qui n’aurais pas osé tout seul…
Magnific, Dominic! Merci, vos histoires me touchent et inspirent…
Les Viking au temps de leur expansion avaient une devise : mieux vaut fuir que mal se battre. Ce comportement apaisant serait-il le fin fond de l’art de vivre heureux? Dominik acceptant l’impossible bouffe?
Le raz de marée de plaisir est possible avant de s’y noyer, comme rire après avoir trop pleuré, puis…
Extrait de « Les Valseuses », Bertrand Blier (Les paroles ne sont pas celles du film mais les donnent dans le même sens, j’ai vu le film il y a quarante-cinq ans…) :
Les deux copains attendent dans leur voiture, sous la pluie, devant la maison de la prison, son entrée (ou sortie) et son long mur gris : « Hé c’est qui celle-là ? On l’emmène ?.. »
Les trois sur le lit défait, rires, souffles, gémissements…
La lumière du matin tombe sur le lit : « Oh… Ne la réveille pas, on va aller chercher des croissants ! »
À leur retour : La femme est dans une grande tache de sang, le pistolet à proximité de sa main, et une feuille à côté : « Merci les amis pour ce si fort bonheur ! »
Les deux amis : « Oh merde !.. »
La femme : « … »