Colère et bien-être

par | 17 Déc 2003

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Réel : Vous organisez des stages sur la colère. Pourquoi ?

S. V. : Deux questions ont été très fortes dans ma vie : la sexualité et ma non-colère. J’étais un Anglais assez figé qui avait plutôt des problèmes intestinaux quand il était en conflit. J’ai appris, entre autres grâce aux relations que j’ai eu avec des femmes que j’ai aimé, que la colère était une émotion importante… et que je pouvais conserver mon dégoût pour l’agressivité et la violence. J’ai commencé à proposer des stages “Célèbre ta puissance et ta colère”. Il y a une dizaine d’années, c’était précurseur, parce qu’à cette époque, on ne proposait pas ce genre de thème, mais plutôt l’amour, le bonheur et l’harmonie. Cela a eu, néanmoins, un certain succès. Depuis plusieurs articles sont parus sur ce travail. Nous y apprenons à faire la différence entre colère et agressivité. La colère est une émotion qui a besoin de vivre et trouver sa place à l’intérieur de nous d’abord. Elle s’apprend. Nous pouvons l’accueillir, la sentir, la contacter, descendre la rejoindre. Nous pouvons la contenir ou nous pouvons l’extérioriser. Nous pouvons même l’aimer. De ne pas la nier et un acte de puissance. Appuyé par elle, nous pouvons rester entier et vivant. Elle nous réveille, nous aide à être présent, elle peut être au service d’affirmer un besoin, une limite, de rencontrer l’autre. La colère est pour. L’agressivité est contre. Lorsque nous nous défendons de notre propre colère, par impuissance nous développons une violence manifeste ou détournée, visible ou subtile. Cette violence, nous la connaissons bien ; elle est usuelle, familière, admise dans nos codes sociaux, mais elle fait énormément de dégâts, blesse et nous sépare. Que ce soit dans la famille, le couple, au travail. C’est de la  » colère froide  » ou refroidie, sèche ou piquante, c’est du cynisme, de l’ironie ou du sarcasme. C’est également de l’absence, de la coupure, du silence ou de l’autodestruction.

Réel : La colère a-t-elle à voir avec la séparation ou le refus de la séparation ?

S. V. : Il est important de savoir prendre une distance, de se démélanger de celui ou de celle que l’on aime le plus au monde. La colère nous aide à descendre dans le corps, il attire notre attention plus bas que le coeur, d’ailleurs nous pouvons la situer dans la région du plexus solaire. Si nous descendons, nous avons plus de chance de nous recentrer, de nous rappeler qui nous sommes, de  » revenir dans nos chaussures « . Le coeur appuyé par un plexus solaire réveillé a tendance à vouloir s’ouvrir… Beaucoup de personnes ont connu cette expérience, de sentir leur coeur après s’être offert une vraie colère.

Réel : Il peut y avoir du plaisir ?

S. V. : J’ai vécu des colères avec beaucoup de plaisir, c’est quelque chose d’orgasmique, d’expansif, de très chaud et agréable suivi de douceur et d’espace pour autre chose. La lourdeur, par exemple, est un symptôme de la colère réprimée.

Réel : Mais la colère, n’est-ce pas l’expression d’une toute-puissance ?

S. V. : Quand on est dans sa puissance, on peut sentir sa colère et se l’approprier, on peut la laisser circuler à l’intérieur et à l’extérieur de soi.

Paradoxalement, nous sommes vulnérables lorsque nous sommes en colère. Cela nous expose, nous montrons combien nous sommes touchés.

Le contraire est révélateur : lorsque par impuissance je ne peux accéder à ce que je sens, j’essaie de me mettre en position forte, en position de pouvoir sur l’autre, et je reproche, j’attaque l’autre sur ses points faibles, je projette et je centre sur l’autre mon énergie, je cède à l’autre mon intensité et ma vitalité.

La violence physique est sanctionnée, ce qui me paraît juste et nécessaire. Mais quand une personne violente physiquement une autre, il est tabou de nommer la violence de la victime. Il est important de comprendre que la violence vient de l’impuissance. La pauvre victime peut avoir une forme de violence qu’on nomme passive et avoir aidé à provoquer celle de l’autre. Nous sommes coresponsables d’un dérapage dans la violence, dans la plupart des cas. Un bel exemple, c’est ce qui se passe dans les couples où l’un rend violent l’autre, pas par ce qu’il a fait ou dit, mais par ce qu’il n’a pas fait ou ce qu’il ne dit pas, justement. Cette pseudo-innocence est très provocatrice et ressentie comme violente.

Nous pouvons apprendre à sortir de la violence, quelle qu’elle soit car nous pouvons apprendre à honorer et à mieux vivre notre colère.

Propos recueillis par Georges Didier
paru dans REEL Magazine.

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